April 24, 2012
Cérémonie de commémoration du 97e anniversaire du génocide arménien
Paris -- Mardi 24 avril 2012
Messieurs les Dignitaires religieux,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais vous parler très librement d'un sujet extrêmement sérieux, sur lequel on a entendu tant d'approximations, tant d'erreurs, tant de choses fausses.
Je voudrais le faire en tant que chef de l'Etat, pas en tant que candidat, et je voudrais dire, d'ailleurs, que les idées que je vais défendre, sont des idées qui, me semble-t-il, sont partagées bien au-delà des frontières partisanes. C'est à ce niveau que je veux me placer, et pas à un autre, si vous me le permettez.
D'abord, je voudrais vous dire, mes chers compatriotes, combien j'ai été bouleversé par mon voyage d'Etat à Erevan et par la visite du mémorial.
Je voudrais dire à tous ceux qui n'ont pas fait ce voyage, qui n'ont pas vu ce que j'ai vu, qui n'ont pas entendu ce que j'ai entendu, qu'ils ne peuvent pas comprendre la mémoire de cette douleur indicible pour tous les Arméniens, où qu'ils existent, où qu'ils vivent dans le monde.
Je vous l'avoue, Messieurs les Présidents, avoir vu ce mémorial, avoir été sur la Place de France à Erevan n'a pas changé le fond de ce que je pensais, mais a rendu encore plus forte ma détermination. Sans doute voyez-vous, et voyais-je, les choses de trop loin, mais il est une mémoire qui n'est jamais éloignée tant elle est douloureuse. Il y a une mémoire qui ne s'efface jamais parce que de génération en génération, on se transmet la souffrance, on se transmet la peur, on se transmet la peine. En allant à Erevan, j'ai compris ce que ressentaient des millions d'Arméniens en pensant à ce génocide, parce que j'imaginais que chacun se mettait à la place de ses grands-parents, de ses ancêtres, et se disait : comment aurais-je réagi moi-même ? Et en allant à ce mémorial, en même tant que bouleversé, j'ai été fier, fier que la France, la France de cette époque, ait été si généreuse pour accueillir des Arméniens persécutés. Je me suis dit : cette France-là, c'est la France éternelle, celle qui a su faire sa place à tous ceux qui étaient pourchassés.
J'espère que vous ne m'en voudrez pas, mais pour parler des questions de mémoire, je ne veux pas simplement parler de la question arménienne et du génocide, je veux dire qu'il n'y a pas de grand pays dans le monde qui n'ait le courage de regarder son passé. La marque d'un grand pays, ce n'est pas le nombre de ses habitants, ce n'est pas la puissance de son économie, c'est la lucidité dont chaque pays, petit, moyen ou grand, est capable de faire preuve à l'endroit de son Histoire.
Voyez-vous, Messieurs les Présidents, mes chers Compatriotes, je ne compare nullement. Mais quand j'ai voulu dire à nos compatriotes harkis que la France avait fauté parce qu'ils avaient choisi la France et que la France les avait abandonnés et que c'était la faute de la France, je n'ai pas comparé, car les douleurs ne se comparent pas. Je n'ai pas hiérarchisé, j'ai simplement voulu montrer à d'autres pays, dont la Turquie, que la France demandait à la Turquie de faire ce qu'elle faisait pour elle-même : revisiter son passé. On n'est pas faible quand on regarde son histoire.
Vous savez, Messieurs les Présidents, mes chers compatriotes, combien j'aime mon pays, notre pays. Vous savez combien je me sens éloigné de la repentance et combien je trouve injuste les mises en cause systématiques de la Nation française. Mais quand il y a une faute, c'est la force de la France de la reconnaître, et vous savez pourquoi ? Parce que tant que l'on ne reconnaît pas la faute, on ne peut pas pardonner la faute. Le pardon est impossible lorsque la faute est contestée et qu'elle n'est pas reconnue.
Reconnaître nos erreurs, c'est permettre le pardon. Je le dit à l'endroit de ce grand pays, de cette grande nation qu'est la Turquie. La France ne donne de leçon à personne, la France dit seulement que chacun dans le monde a un devoir. Je pense profondément que chaque Arménien ne sera apaisé avec cette souffrance qu'il reçoit en héritage que le jour où plus personne de sensé ne pourra la contester et la mettre en cause.
Je pense que pour chacun d'entre vous, le souvenir, l'affection, les photos, les récits, sont comme des brûlures, des blessures qui se ravivent mais qui sont rendues insupportables quand il y a contestation de cela.
Je pense que pour chacun d'entre vous, le souvenir, l'affection, les photos, les récits, sont comme des brûlures, des blessures qui se ravivent mais qui sont rendues insupportables quand il y a contestation de cela.
La France - je n'étais pas au gouvernement - a reconnu qu'il y avait un génocide, le monde entier reconnaît que ce fut un génocide. Ce ne furent pas des dommages de guerre parmi d'autres, ce n'étaient pas des déplacés parmi d'autres, c'étaient des Arméniens exterminés parce qu'ils étaient Arméniens.
Tous les historiens le savent, et je comprends ce qu'il peut y avoir de blessant que de dire, 'convoquons une commission d'historiens pour trancher un problème qui a été déjà tant de fois tranché'. Aurait-on l'idée de dire à nos compatriotes juifs que l'on veut une commission d'historiens pour savoir malheureusement si cette ignominie de la Shoah a existé en Europe ? Ce serait blessant, ce serait inacceptable, ce serait intolérable.
Alors, ce génocide est reconnu et voilà maintenant que se pose la question du négationnisme. Je veux, cette fois-ci, m'en expliquer avec vous, de la même façon qu'après la tragédie de Montauban et de Toulouse, j'ai pris et défendu certaines positions. Naturellement, je ne compare pas, naturellement je ne mets pas sur le même plan, je veux simplement vous dire une chose, mes chers compatriotes, c'est qu'il y a des propos qui ne sont pas des opinions. Que la démocratie, ce n'est pas d'autoriser n'importe qui à dire n'importe quoi sans respect pour les victimes. La démocratie, ce n'est pas cela. La démocratie est en droit d'exiger que l'on ne tienne pas des propos offensants par rapport aux valeurs de la République et par rapport aux victimes.
Je n'ai pas voulu entendre le témoignage du père d'un tueur parce qu'il était offensant pour la mémoire des victimes et pour leur famille. Et je dis de la même façon, sans mettre sur le même plan les choses, que la contestation d'une vérité qui est celle du génocide, est inacceptable sur le territoire de la République française.
Naturellement, j'ai eu contre moi bien des oppositions, - certaines que je peux comprendre, et je ne prétends pas défendre une vérité - d'autres qui sont plus inacceptables. Qui, par exemple, peut croire que l'interdiction d'un négationnisme d'Etat ferait interdiction à des historiens ou à des intellectuels de faire leur travail ? Qui peut penser une chose pareille ? Qui peut imaginer qu'en France, on empêche un historien ou un chercheur de chercher ou de travailler ? Faut-il être d'une singulière mauvaise foi pour tenir des propos de la sorte !
Mais je veux, au-delà de la communauté arménienne de France, dire à tous ceux qui ont eu à souffrir dans leur mémoire : regardez bien les Arméniens de France, ce qu'on leur fait ou ce qu'on accepterait qu'on continue à leur faire, un jour on pourrait le faire à d'autres.
Parce que la souffrance et la mémoire ne sont que la propriété des Arméniens. On a toujours un Arménien plus Arménien que d'autres, et on peut, dans une longue liste, dire : « puisqu'on a contesté ce génocide, alors on pourra en contester d'autres. »
Il s'agit donc de savoir ce que veut la République française. Est-ce qu'elle a des principes, est-ce qu'elle a des valeurs ? Moi, je pense qu'elle a des valeurs et qu'elle doit affirmer des principes.
En tant que chef de l'Etat, je dois m'incliner devant la décision du Conseil Constitutionnel, mais je ne m'incline pas devant mes convictions, donc j'en fais le serment devant vous : le texte a été annulé malgré le vote courageux de parlementaires de tous bords, eh bien, un nouveau texte sera présenté dès le mois de juin. Pourquoi faire cela ? Pour une chose : parce que c'est juste, et qu'on a toujours raison d'être juste.
Je voudrais terminer en vous disant une chose : j'étais au camp de Rivesaltes, j'ai parlé à la mémoire des Harkis, d'une certaine façon des pieds-noirs, et j'ai essayé de le faire sans blesser nos amis algériens qui avaient le droit de se battre pour une Algérie indépendante et j'ai été impressionné par le sens de la responsabilité avec lequel ils ont accepté la décision de la France et les propos du président de la République.
J'espère qu'un jour, et j'en suis sûr, dans les profondeurs de la société turque, il y aura des hommes et des femmes qui se diront « on est un grand pays parce qu'on n'a pas peur de regarder notre passé, on est un grand pays parce qu'en reconnaissant la faute de nos ancêtres, on autorise le pardon de nos contemporains. »
Vive la République et vive la FranceJe voudrais vous parler très librement d'un sujet extrêmement sérieux, sur lequel on a entendu tant d'approximations, tant d'erreurs, tant de choses fausses.
Je voudrais le faire en tant que chef de l'Etat, pas en tant que candidat, et je voudrais dire, d'ailleurs, que les idées que je vais défendre, sont des idées qui, me semble-t-il, sont partagées bien au-delà des frontières partisanes. C'est à ce niveau que je veux me placer, et pas à un autre, si vous me le permettez.
D'abord, je voudrais vous dire, mes chers compatriotes, combien j'ai été bouleversé par mon voyage d'Etat à Erevan et par la visite du mémorial.
Je voudrais dire à tous ceux qui n'ont pas fait ce voyage, qui n'ont pas vu ce que j'ai vu, qui n'ont pas entendu ce que j'ai entendu, qu'ils ne peuvent pas comprendre la mémoire de cette douleur indicible pour tous les Arméniens, où qu'ils existent, où qu'ils vivent dans le monde.
Je vous l'avoue, Messieurs les Présidents, avoir vu ce mémorial, avoir été sur la Place de France à Erevan n'a pas changé le fond de ce que je pensais, mais a rendu encore plus forte ma détermination. Sans doute voyez-vous, et voyais-je, les choses de trop loin, mais il est une mémoire qui n'est jamais éloignée tant elle est douloureuse. Il y a une mémoire qui ne s'efface jamais parce que de génération en génération, on se transmet la souffrance, on se transmet la peur, on se transmet la peine. En allant à Erevan, j'ai compris ce que ressentaient des millions d'Arméniens en pensant à ce génocide, parce que j'imaginais que chacun se mettait à la place de ses grands-parents, de ses ancêtres, et se disait : comment aurais-je réagi moi-même ? Et en allant à ce mémorial, en même tant que bouleversé, j'ai été fier, fier que la France, la France de cette époque, ait été si généreuse pour accueillir des Arméniens persécutés. Je me suis dit : cette France-là, c'est la France éternelle, celle qui a su faire sa place à tous ceux qui étaient pourchassés.
J'espère que vous ne m'en voudrez pas, mais pour parler des questions de mémoire, je ne veux pas simplement parler de la question arménienne et du génocide, je veux dire qu'il n'y a pas de grand pays dans le monde qui n'ait le courage de regarder son passé. La marque d'un grand pays, ce n'est pas le nombre de ses habitants, ce n'est pas la puissance de son économie, c'est la lucidité dont chaque pays, petit, moyen ou grand, est capable de faire preuve à l'endroit de son Histoire.
Voyez-vous, Messieurs les Présidents, mes chers Compatriotes, je ne compare nullement. Mais quand j'ai voulu dire à nos compatriotes harkis que la France avait fauté parce qu'ils avaient choisi la France et que la France les avait abandonnés et que c'était la faute de la France, je n'ai pas comparé, car les douleurs ne se comparent pas. Je n'ai pas hiérarchisé, j'ai simplement voulu montrer à d'autres pays, dont la Turquie, que la France demandait à la Turquie de faire ce qu'elle faisait pour elle-même : revisiter son passé. On n'est pas faible quand on regarde son histoire.
Vous savez, Messieurs les Présidents, mes chers compatriotes, combien j'aime mon pays, notre pays. Vous savez combien je me sens éloigné de la repentance et combien je trouve injuste les mises en cause systématiques de la Nation française. Mais quand il y a une faute, c'est la force de la France de la reconnaître, et vous savez pourquoi ? Parce que tant que l'on ne reconnaît pas la faute, on ne peut pas pardonner la faute. Le pardon est impossible lorsque la faute est contestée et qu'elle n'est pas reconnue.
Reconnaître nos erreurs, c'est permettre le pardon. Je le dit à l'endroit de ce grand pays, de cette grande nation qu'est la Turquie. La France ne donne de leçon à personne, la France dit seulement que chacun dans le monde a un devoir. Je pense profondément que chaque Arménien ne sera apaisé avec cette souffrance qu'il reçoit en héritage que le jour où plus personne de sensé ne pourra la contester et la mettre en cause.
Je pense que pour chacun d'entre vous, le souvenir, l'affection, les photos, les récits, sont comme des brûlures, des blessures qui se ravivent mais qui sont rendues insupportables quand il y a contestation de cela.
Je pense que pour chacun d'entre vous, le souvenir, l'affection, les photos, les récits, sont comme des brûlures, des blessures qui se ravivent mais qui sont rendues insupportables quand il y a contestation de cela.
La France - je n'étais pas au gouvernement - a reconnu qu'il y avait un génocide, le monde entier reconnaît que ce fut un génocide. Ce ne furent pas des dommages de guerre parmi d'autres, ce n'étaient pas des déplacés parmi d'autres, c'étaient des Arméniens exterminés parce qu'ils étaient Arméniens.
Tous les historiens le savent, et je comprends ce qu'il peut y avoir de blessant que de dire, 'convoquons une commission d'historiens pour trancher un problème qui a été déjà tant de fois tranché'. Aurait-on l'idée de dire à nos compatriotes juifs que l'on veut une commission d'historiens pour savoir malheureusement si cette ignominie de la Shoah a existé en Europe ? Ce serait blessant, ce serait inacceptable, ce serait intolérable.
Alors, ce génocide est reconnu et voilà maintenant que se pose la question du négationnisme. Je veux, cette fois-ci, m'en expliquer avec vous, de la même façon qu'après la tragédie de Montauban et de Toulouse, j'ai pris et défendu certaines positions. Naturellement, je ne compare pas, naturellement je ne mets pas sur le même plan, je veux simplement vous dire une chose, mes chers compatriotes, c'est qu'il y a des propos qui ne sont pas des opinions. Que la démocratie, ce n'est pas d'autoriser n'importe qui à dire n'importe quoi sans respect pour les victimes. La démocratie, ce n'est pas cela. La démocratie est en droit d'exiger que l'on ne tienne pas des propos offensants par rapport aux valeurs de la République et par rapport aux victimes.
Je n'ai pas voulu entendre le témoignage du père d'un tueur parce qu'il était offensant pour la mémoire des victimes et pour leur famille. Et je dis de la même façon, sans mettre sur le même plan les choses, que la contestation d'une vérité qui est celle du génocide, est inacceptable sur le territoire de la République française.
Naturellement, j'ai eu contre moi bien des oppositions, - certaines que je peux comprendre, et je ne prétends pas défendre une vérité - d'autres qui sont plus inacceptables. Qui, par exemple, peut croire que l'interdiction d'un négationnisme d'Etat ferait interdiction à des historiens ou à des intellectuels de faire leur travail ? Qui peut penser une chose pareille ? Qui peut imaginer qu'en France, on empêche un historien ou un chercheur de chercher ou de travailler ? Faut-il être d'une singulière mauvaise foi pour tenir des propos de la sorte !
Mais je veux, au-delà de la communauté arménienne de France, dire à tous ceux qui ont eu à souffrir dans leur mémoire : regardez bien les Arméniens de France, ce qu'on leur fait ou ce qu'on accepterait qu'on continue à leur faire, un jour on pourrait le faire à d'autres.
Parce que la souffrance et la mémoire ne sont que la propriété des Arméniens. On a toujours un Arménien plus Arménien que d'autres, et on peut, dans une longue liste, dire : « puisqu'on a contesté ce génocide, alors on pourra en contester d'autres. »
Il s'agit donc de savoir ce que veut la République française. Est-ce qu'elle a des principes, est-ce qu'elle a des valeurs ? Moi, je pense qu'elle a des valeurs et qu'elle doit affirmer des principes.
En tant que chef de l'Etat, je dois m'incliner devant la décision du Conseil Constitutionnel, mais je ne m'incline pas devant mes convictions, donc j'en fais le serment devant vous : le texte a été annulé malgré le vote courageux de parlementaires de tous bords, eh bien, un nouveau texte sera présenté dès le mois de juin. Pourquoi faire cela ? Pour une chose : parce que c'est juste, et qu'on a toujours raison d'être juste.
Je voudrais terminer en vous disant une chose : j'étais au camp de Rivesaltes, j'ai parlé à la mémoire des Harkis, d'une certaine façon des pieds-noirs, et j'ai essayé de le faire sans blesser nos amis algériens qui avaient le droit de se battre pour une Algérie indépendante et j'ai été impressionné par le sens de la responsabilité avec lequel ils ont accepté la décision de la France et les propos du président de la République.
J'espère qu'un jour, et j'en suis sûr, dans les profondeurs de la société turque, il y aura des hommes et des femmes qui se diront « on est un grand pays parce qu'on n'a pas peur de regarder notre passé, on est un grand pays parce qu'en reconnaissant la faute de nos ancêtres, on autorise le pardon de nos contemporains. »
Vive la République et vive la France.